Rencontre avec Sylvain Kodjo Mehoun : suite

Publié le par C.D.I. du lycée Voltaire

Rencontre avec Sylvain Kodjo Mehoun - suite

Pour mettre en scène une histoire, il faut planter le décor, camper des personnages, avoir une trame...

Voici une histoire par exemple :

C'est une femme, la mère du monde, une femme belle, la plus belle de toutes. Et cette femme belle a un petit problème. Son problème, c'est qu'elle n'entend même pas les gouttes de pluie. Elle est sourde ! Cette belle femme sourde a un petit garçon qu'elle porte au dos pour aller travailler chaque jour dans son champ de maïs. Un matin arrive dans son champ un monsieur beau, très beau. Mais il a un gros problème, c'est qu'il n'entend même pas la porte qui se ferme devant lui. Il est lui aussi sourd. Il est à la recherche de ses brebis. Il court, il court, il court, il arrive dans le champ de la femme : "Madame, madame, madame ! Avez-vous vu passer mes brebis ?" La femme n'a rien compris.
"- S'il vous plaît, madame, est-ce que vous avez vu passer par ici mes brebis ?... Vous êtes sourde où quoi :
est-ce que vous avez vu passer par ici mes brebis ?"
La femme dit : "Ah oui ! ah oui ! mon champ commence là et va jusque là-bas" en faisant de grands gestes. "De l'autre côté, indique-t-elle, c'est le champ de ma voisine."
Le monsieur, bien sûr, n'a rien compris mais a vu ses grands gestes :
"- Ah bon ? Elles sont passées par là ?
- Ah oui ! ah oui ! mon champ commence là et va jusque là-bas"
- Bien ! Si je retrouve mes brebis, je vais vous offrir un cadeau."
La femme n'a rien compris. Le monsieur n'a rien compris.
"- Parmi mes brebis, il y en a une qui a une patte cassée. Je vous l'offre.
- Oui, oui, moi je fais du maïs."
Le monsieur n'a toujours rien compris et est parti en courant. Par hasard, il retrouve ses brebis. Il revient donc avec dans les bras la brebis à la patte cassée, et vient l'offrir à la dame.
"- Quoi ? Moi ? J'ai cassé la patte de ta brebis ?"
Le monsieur n'a rien compris. Tout fâché, il lui rappelle qu'il lui avait promis une brebis avec une patte cassée : "C'est ce que je vous avais promis, c'est ce que je vous donne."
Et ils continuent ainsi ce dialogue de sourds. A un moment donné, tous deux fâchés sont allés voir le roi. Et ce roi, il est tout vieux, fatigué. Il n'entend même pas ses voisins de table. Il est sourd. Et les deux arrivent. Et c'est la femme qui commence :
"J'étais en train de cultiver mon champ quand ce monsieur est arrivé et m'a demandé jusqu'où s'étendait mon champ. Je lui ai répondu où
mon champ commençait et jusqu'où il finissait. Il est parti en courant comme un fou et il est revenu en m'accusant d'avoir cassé la patte de sa brebis. Il faut le punir."
Le roi n'a rien compris.
L'homme à son tour raconte qu'il était à la recherche de ses brebis, que la femme lui a montré dans quelle direction elles étaient passées, qu'il lui a promis un cadeau qu'elle a refusé.
Le roi n'a rien compris.
Il a réfléchi et fait un signe à la dame et dit "Retourne-toi". La femme a compris le signe et s'est retournée. Le roi a vu le petit garçon qui était dans son dos. Il a vu le monsieur. Il a cru qu'il était le père. Il a pensé que l'enfant était malade et que le père refusait de l'emmener à l'hôpital.
"On va te retirer la brebis à la patte cassée et tu vas conduire ta femme à l'hôpital".
Et les notables autour de lui ont ri.

Parmi les trois qui est le plus sourd ?

Voilà un exemple de conte de communication. On a planté le décor avec 3 tableaux et 3 personnages principaux. On va à présent essayer de dégager la mise en scène de ce conte.
Il y a donc le roi, la femme et l'homme, mais aussi des acteurs secondaires, des figurants. Et il y a un personnage encore plus important, c'est le narrateur, c'est lui qui amène l'histoire. En effet, au début de l'histoire, on ne peut pas savoir que la femme est sourde. Il faut que quelqu'un commence à raconter l'histoire dans la première scène.
Il y a 3 décors dont le premier avec le champ de maïs. Il faut montrer la joie de l'homme qui retrouve ses brebis dans le champ de la voisine. Et enfin, il faut montrer la Cour et le roi.
Le metteur en scène doit savoir comment placer ses décors. Soit il change de tableaux, ce qui nécessite beaucoup de main d'oeuvre et d'allers-retours. Soit il les plante tous les trois de façon à ce que cela reste fluide.

Autre exemple : C'est un maître qui a pour habitude de rassembler très tôt ses élèves sous un grand arbre et de leur parler de l'amour, de la beauté, de la bonté. Et un matin, alors qu'il s'apprête à enseigner, se pose un tout petit oiseau sur la branche d'un grand arbre, et chante, chante, puis s'envole loin, bien loin, et disparaît. Après un silence, le maître prend la parole et dit aux élèves :
"Eh bien. La causerie de ce matin est terminée."

C'est un conte, très court, mais qui raconte beaucoup de choses : il faut être à l'écoute de la nature, à l'écoute des oiseaux.

Icic, le personnage très important, c'est le petit oiseau sur le grand arbre. Il faut donc faire en sorte que les acteurs-élèves écoutent beaucoup plus ce matin-là l'oiseau que leur maître. Il faut même faire parler l'acteur-oiseau de ce qu'il a vu.


C'est Birago Diop qui a dit : "Quand la mémoire va ramasser du bois mort, elle rapporte le fagot qui lui plaît."
Les bouts de bois, pour le conteur, ce sont ses contes. Et quand il veut aller les chercher, quand sa mémoire ramène du bois mort, il le choisit et le modifie.

Ensuite Sylvain Kodjo Mehoun nous régala d'autres contes, prenant la voix des différents animaux, demandant l'aide du public pour reprendre le refrain en coeur.

Publié dans Afrique subsaharienne

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